Dans les organisations produit, il est courant de confier aux QA (Quality Assurance) la responsabilité exclusive de la "recette", c'est-à-dire les tests d'acceptation finaux.
Cette pratique semble logique pour garantir la qualité, mais elle cache des dysfonctionnements profonds qui freinent l'agilité et la collaboration. Nous exploreront les conséquences de cette approche, pourquoi la QA ne doit pas porter seule la qualité, et comment transformer son rôle en levier d'amélioration collective.
L'objectif ? Passer d'une qualité vérifiée en bout de chaîne à une qualité intégrée et partagée par toute l'équipe.
Quand la qa "recette", ça donne quoi ?
Lorsque les QA managers sont chargés de la recette, le processus de développement se déséquilibre, créant des silos et des inefficacités qui impactent l'ensemble de l'équipe. Voici les principales dérives observées :
- Des devs qui livrent en mode "ça marche chez moi" : Les développeurs se contentent de tester localement, sans anticiper les environnements réels, car ils savent que la QA prendra le relais. Cela mène à des itérations inutiles et à une perte de temps globale.
- La QA devient un goulot d’étranglement : Tout le flux s'arrête en attendant les validations QA, ralentissant les livraisons et augmentant la frustration. Au lieu d'une équipe fluide, on obtient un bottleneck qui limite la vélocité.
- Une séparation artificielle entre développement et qualité : Cette division renforce les silos, où les devs se concentrent sur le code et les QA sur les tests, sans collaboration. Résultat : une qualité perçue comme une étape externe plutôt qu'intégrée.
- Et donc les devs ne sont plus responsables des bugs en prod : En déchargeant les développeurs de la responsabilité finale, on encourage une culture où les bugs en production sont "le problème de la QA", affaiblissant l'ownership collectif.
Ces problèmes transforment une équipe agile en une chaîne de production rigide, où la qualité devient un coût plutôt qu'un atout.
La QA ne doit pas être responsable de la qualité, elle doit élever la qualité
Le rôle traditionnel de la QA comme gardienne exclusive de la qualité est un antipattern. Au lieu de cela, la QA devrait agir comme un catalyseur qui élève le niveau global de l'équipe. Cela implique un shift de mindset : la qualité n'est pas un contrôle final, mais une responsabilité partagée. En libérant la QA de la recette pure, on lui permet de se concentrer sur des contributions plus stratégiques, favorisant une maturité collective où chaque membre intègre la qualité dès le début du processus.
Ce sont les développeurs qui doivent assumer la qualité
Pour corriger ces dérives, les développeurs doivent reprendre la main sur la qualité, en l'intégrant à leur workflow quotidien. Cela renforce l'autonomie et réduit les handovers inutiles :
- Assumer la qualité de ce qu’ils livrent : Les devs deviennent responsables end-to-end, de la conception à la production, ce qui motive une attention accrue aux détails et réduit les surprises en aval.
- Tester dès le départ (TDD, BDD, tests auto) : Adopter des pratiques comme le Test-Driven Development (TDD) pour écrire des tests avant le code, le Behavior-Driven Development (BDD) pour aligner sur les besoins métier, et des tests automatisés pour une couverture continue. Cela prévient les bugs plutôt que de les corriger tardivement.
- Travailler avec les QA, pas à côté d’eux : Favoriser une collaboration étroite, où les devs et QA co-construisent les scénarios de test, partageant connaissances et responsabilités pour une qualité plus robuste.
Ce changement culturel transforme les devs en acteurs proactifs de la qualité, alignant l'équipe sur des objectifs communs.
La qa devient un expert et un coach
En redéfinissant le rôle de la QA, on la positionne comme un pilier de l'amélioration continue, loin du simple validateur :
- Un expert du fonctionnel : La QA apporte une expertise métier profonde, aidant à définir des exigences claires et à anticiper les cas d'usage réels des utilisateurs.
- Un coach qualité : Elle guide l'équipe sur les meilleures pratiques de test et de qualité, formant les devs et favorisant l'adoption de outils et méthodes avancées.
- Un moteur des pratiques collaboratives (3 amigos, Example mapping…) : La QA anime des sessions comme les "3 Amigos" (Produit, Dev, QA) pour aligner les perspectives, ou l'Example Mapping pour cartographier les scénarios avec des exemples concrets, boostant la collaboration et réduisant les malentendus.
Ce rôle évolué fait de la QA un accélérateur d'équipe, plutôt qu'un frein.
La qualité ne se vérifie pas en bout de chaîne
La qualité ne doit pas être un checkpoint final, mais un processus intégré tout au long du cycle de développement.
Elle se conçoit en amont lors de la définition des besoins, se partage pendant via des revues collaboratives et des tests itératifs, et se renforce en continu grâce aux feedbacks de production et aux retrospectives.
Cette approche holistique prévient les défauts, accélère les livraisons et élève la satisfaction globale, transformant la qualité en avantage compétitif durable.
En conclusion
Une QA qui fait "la recette" est une béquille temporaire qui masque des problèmes structurels, tandis qu'une QA qui fait monter l’équipe en qualité est un levier puissant pour l'agilité et l'innovation. En responsabilisant les devs et en repositionnant la QA comme coach et expert, les organisations produit gagnent en efficacité, réduisent les bugs et favorisent une culture collaborative. Ce shift n'est pas seulement opérationnel : il renforce la résilience et l'impact à long terme.