Dans le monde effréné du Produit et de la Tech, on parle beaucoup de KPI. Mais savez-vous vraiment lesquels suivre pour piloter efficacement vos équipes et vos initiatives ? Au cœur d'un pilotage Produit mature se trouve la distinction fondamentale entre les lagging indicators (indicateurs retardés) et les leading indicators (indicateurs avancés).
Comprendre leur rôle et leur complémentarité est essentiel pour passer d'une simple observation à une action stratégique. Trop d'organisations se noient dans des chiffres sans savoir comment les transformer en leviers de croissance. Alors que maîtriser ce duo est la clé pour aligner exécution, apprentissage et valeur business.
Les lagging indicators : le "quoi" de votre succès
Les lagging indicators sont les résultats finaux, les objectifs que vous souhaitez atteindre. Ce sont les métriques qui témoignent de la performance globale de votre Produit ou de votre entreprise.
Quelques exemples : SAT clients, taux de rétention, taux de satisfaction, CA, marge net, coût d’acquisition (CAC) ou le chiffre d'affaires
Leur rôle et leur limite :
Ces indicateurs sont cruciaux pour évaluer la santé globale de votre entreprise et la réussite de vos stratégies à long terme. Ils définissent la destination, le "quoi" que vous visez.
Cependant, leur nature est rétrospective : ils ne se manifestent qu'après un certain temps, une fois que les actions ont déjà été menées.
Imaginez que vous pilotez un navire : le lagging indicator, c'est la destination finale. Vous savez où vous voulez aller, mais si vous attendez d'être arrivé pour corriger le cap, il sera souvent trop tard.
Quand vous manquez votre objectif de chiffre d'affaires trimestriel, que pouvez-vous faire immédiatement pour le trimestre passé ? Pas grand-chose. C'est là que réside leur principal défi : les lagging indicators constatent un problème, mais ne permettent pas d'agir en temps réel.
Les leading indicators : le "comment" de votre progression
À l'inverse, les leading indicators sont les actions et les comportements qui précèdent et influencent vos lagging indicators. Ce sont les signaux faibles, les leviers sur lesquels vous pouvez agir directement et rapidement.
Quelques exemples : taux d'inscription ou d'activation, taux d'utilisation d'une fonctionnalité clé (usability), taux d'ajout au panier ou taux d'abandon de panier, taux de rebond sur une page spécifique, temps passé sur une page produit ou nombre d'interactions avec le service client
Leur rôle et leur puissance :
Leur grand avantage est qu'ils sont mesurables rapidement et permettent une action immédiate.
Ils agissent comme des “signaux d'alerte” ou des “leviers d'opportunité”, vous permettant d'ajuster votre stratégie avant que les lagging indicators ne soient impactés négativement. Ce sont les indicateurs de votre tableau de bord qui vous disent si vous êtes sur la bonne voie, en temps réel.
En tant que Product People, mieux vaut agir ou constater ?
Le piège des lagging indicators seuls est que vous ne prenez conscience d'un problème qu'une fois qu'il est souvent trop tard pour le résoudre. Vous êtes dans la réaction, pas dans l'anticipation.
Les leading indicators, eux, vous donnent le pouvoir d'agir. Ils vous aident à comprendre pourquoi les choses se passent comme elles se passent et à changer de cap de manière proactive. Ils transforment la frustration de la constatation en opportunité d'action.
La combinaison des deux est donc la clé d'un pilotage Produit performant. Les lagging vous donnent la vision, les leading vous donnent les moyens d'y arriver.
Du lagging au leading : comment s’y retrouver ?
Pour transformer vos objectifs stratégiques (lagging) en actions concrètes (leading), il faut décomposer. C'est un exercice de pensée critique qui consiste à remonter la chaîne de valeur.
Prenons l'exemple du taux de conversion global (= un lagging indicator) :
Pour arriver à l’achat final, l’utilisateur passe par de nombreuses étapes. Se contenter de mesurer le taux de conversion global ne vous donnera aucune piste d'action si ce dernier chute.
Pour trouver les leading indicators pertinents, demandez-vous : "Quelles sont les étapes clés qui mènent à la conversion ? Quels comportements utilisateurs doivent se produire pour que la conversion ait lieu ?"
En analysant ces indicateurs et en les comparant à vos données, vous pouvez identifier des écarts significatifs. L'analyse par segment (appareils, sources de trafic, types d'utilisateurs) est déjà un premier pas.
Par exemple, si le nombre d'inscriptions à votre newsletter stagne (= un lagging indicator), il est probable que vos leading indicators soient en cause. Donc allez creuser : probablement que le taux de rebond de votre page de blog est très élevé. Si c’est le cas, cela vous dit que votre contenu ne retient pas l'attention de vos lecteurs.
Donc en retravaillant sur la qualité de vos articles et en optimisant leur format pour une meilleure lisibilité, vous pourriez réduire ce taux de rebond, ce qui, à terme, entraînera une augmentation du nombre d'abonnés à votre newsletter.
C'est là que la magie opère : vous passez d'une observation passive à une expérimentation active et itérative.
Pourquoi les lagging indicators restent essentiels ?
Les lagging indicators définissent la direction et la réussite globale. Sans eux, vous risquez de vous perdre dans l'optimisation de micro-actions sans lien avec la vision stratégique.
Concrètement : Si vous demandez à vos équipes d’optimiser un "nombre de clics sur un bouton" sur le long terme, cette approche ne sera pas particulièrement motivante.
En revanche, "devenir le service de streaming le plus apprécié par les cinéphiles" ou "construire une plateforme e-commerce où les clients reviennent naturellement" sont des objectifs inspirants que les lagging indicators incarnent.
En résumé : les lagging donnent du sens aux efforts quotidiens en les connectant à une ambition. En définissant clairement le "quoi" vous donnez aux équipes la liberté d'être créatives pour trouver les meilleurs "comment" (leading) et les actions qui mèneront aux résultats souhaités. C'est un acte de leadership qui relie la stratégie à l'exécution.
D’ailleurs, les notions de leading et lagging indicators sont très utilisés dans le pilotage par l’impact et les OKR. Ils sont complémentaires à l’approche.
La clé du succès : structurer vos métriques avec clarté
Avec la multitude de sources de données disponibles, les informations peuvent être dispersées : données clients, financières, qualitatives... Je vois trop souvent des Product Managers qui ont besoin d'une vision consolidée pour prendre de meilleures décisions.
Le problème classique : l’accès aux données, souvent fastidieux et difficile à consolider car les données sont partout… et nul part en même temps.
Ne pas négliger un chantier prioritaire
La meilleure approche est de centraliser vos données dans des tableaux de bord dédiés. Cela permet de combiner toutes ces informations en un seul endroit, offrant une vue 360° essentielle à la prise de décision. C'est un investissement qui paie, car il transforme la donnée brute en intelligence actionnable.
Conclusion : la simplicité au service de l'impact
Savoir quoi mesurer, et surtout quoi ne pas mesurer, est la clé d'un pilotage Produit efficace. Ne vous noyez pas sous des tonnes d'indicateurs, car cela serait source de confusion.
Les conseils que je donne aux PM :
- Gardez les choses aussi simples que possible.
- Soyez sélectif : Une équipe sera bien plus performante avec 5 indicateurs pertinents et directement liés à ses objectifs qu'avec une liste interminable.
- Prenez le temps de choisir vos leading indicators, ceux qui vous montrent le chemin vers vos lagging indicators. C'est un travail d'alignement stratégique et de compréhension profonde de votre produit et de vos utilisateurs.
J'accompagne les organisations Produit & Tech à structurer leur pilotage pour maximiser leur impact.
Si vous souhaitez affiner votre stratégie de mesure, et transformer votre pilotage en un véritable levier de croissance, n'hésitez pas à me contacter !
